Le sabotier

L'origine du sabot est encore mal connue, mais ont sait que protégeant du froid et du contact du sol, le sabot est né dans les pays aux hivers rudes.

Mon métier de sabotier, je l'ai commencé comme tous les enfants de 12-13 ans qui à cette époque, à 80% suivaient le métier de leurs parents. A cet âge, il y a déjà longtemps que nous allions à l'école en sabots.

A la campagne, les parents garnissaient les sabots de clous dits « à sabots » et au fil du temps, pour la petite anecdote, ces diables de clous se détachaient parfois des sabots pour aller garnir la chambre à air des vélos, au grand désespoir d'ailleurs des cyclistes nombreux à cette époque.

On distinguait deux catégories de sabots, ceux de tous les jours dans lesquels l'hiver, en campagne, on mettait de la paille pour être plus confortables et ceux du dimanches. A ces derniers on mettait des patins de caoutchouc pour atténuer le bruit. Ils étaient décorés et teintés. Je me rappelle encore étant gosse avoir vu des anciens retraités dans le bourg venir à la messe en sabots.

 

Mes grands-parents paternels et maternels exerçaient déjà ce métier au 19ème siècle, et moi-même ayant passé un C.AP. de sabotier en 1943, je pouvais reprendre l'atelier de mon père en 1946.

Une dizaine d'année plus tard le métier disparaissait, les ruraux préférant les botte de crêpe en caoutchouc, plus confortables, à la plus saine des chaussures de bois : les sabots.

A cette époque il m'a fallu trouver une autre orientation, mais toujours pour travailler le bois j'ai repris le métier artisanal : Tourneur sur bois, aussi passionnant dans sa diversité.

Parlons donc de ce métier de sabotier qui employait des milliers de personnes au début du siècle. A cette date, il y avait dans notre région de Saint Denis – Ernée – Gorron une centaine d'artisans ou compagnons qui fabriquaient « à la main » des sabots que l'on vendait sur place ou dans la région environnante.

Une ou deux haches spéciales pour le premier débit, parois, boutoir, rouanne, cuillères reinettes etc... me servent encore quand je tiens mon stand lors d'une fête de métiers. Ces outils sont utilisées pour tailler, creuser et polir le sabot. Le séchage, vernissage terminaient une longue chaîne d'opérations nécessaires à la finition, indispensable pour la vente.

Cette image d'Épinal de l'artisan qui peaufine son travail, avec au pied du billot des copeaux de bois, a disparu avec l'apparition des machines à fabriquer les sabots.

Mon père était le premier artisan en 1926 à acheter ces machines en Mayenne, façonneuse, creuseuse. Ces dernières permettaient un rendement de 10 paires à l'heure, mais ce rendement obligeait à stocker une grande quantité de bois de grume. On trouvait des pieds de hêtre, en grand partie en forêt de Mayenne ou en forêt d'Andaine.

Les anciens sabotiers, en travaillant 10 heures par jour, fabriquaient à la main 3 à 5 paires par jour. Ils se procuraient le bois dans les fermes ou les taillis avoisinants.

Aujourd'hui le métier a disparu mais au cours des fêtes ou je refais les gestes d'antan pour le plaisir des spectateurs jeunes ou moins jeunes, je veux montrer à quel point l'artisan avait l'amour du travail bien fait et le bonheur de fabriquer un objet de ses mains.

Le sabot est resté malgré tout un objet de décoration et de souvenir. Qui ne se souvient et surtout nous les anciens, de ces veillées de Noël où lustrait nos sabots devant la cheminée. Nous espérions que le lendemain, « le ptit Jésus » déposerait « une pomme d'orange » pour récompenser les enfants que nous étions.

 

Louis TOURNEUX

 

Source et article diffusé dans le bulletin municipal de Saint Denis de Gastines 1989